Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Meliorgan is drawing you (and is probably râling)

Blog d'une personne paumée

CRITIQUE ET RETOUR - ENFERME-MOI SI TU PEUX (Découverte de l'art brut)

Publié le 19 Février 2020 par Meliorgan in Littérature

Cet article mûrit dans ma tête depuis déjà quelques temps puisque j'ai reçu Enferme-moi si tu peux à Noël. Quel plaisir de trouver sous le sapin une bande-dessinée, et surtout quelle agitation mentale après avoir dévoré l'oeuvre commune de Anne-Caroline Pandolfo au scénario et Terkel Risbjerg au dessin, sortie en 2019.

J'ai choisi de commencer par vous parler d'abord de la bande dessinée. Cet ouvrage débute avec un texte à propos de l'art brut, et je débuterai donc cette fiche par une tentative de définition ainsi qu'une brève présentation de cette forme d'art si particulière. Je profiterai de ce retour pour évoquer brièvement l'art brut, et tenter d'en comprendre les tenants et aboutissants.

Couverture de la bande dessinée "Enferme-moi si tu peux" de Anne-Caroline Pandolfo et Terkel Risbjerg

Couverture de la bande dessinée "Enferme-moi si tu peux" de Anne-Caroline Pandolfo et Terkel Risbjerg

Tout d'abord quelques définitions afin de partir d'une même base. L'art est extrêmement difficile à définir, je me contenterai donc d'indiquer ici une des définitions données par le Larousse : « Création d'objets ou de mises en scène spécifiques destinées à produire chez l'homme un état particulier de sensibilité, plus ou moins lié au plaisir esthétique. »

 

Voici ce que nous donne une définition choisie du mot brut, toujours par le Larousse : « Qui n'a pas été façonné, traité ou qui est très sommairement élaboré ». Ou encore « donné sans commentaire, sans analyse, sans ajustement ».

 

Enfin voici ce que l'on trouve en tapant art but sur Google : « Qui n'a subi aucune élaboration intellectuelle, est à l'état de donnée immédiate. Les faits bruts, à l'état brut. Art brut spontané, échappant à toute norme culturelle. »

 

Nous pouvons donc partir du postulat que l'art est issu d'une volonté de provoquer un sentiment ou une émotion chez ceux qui le regardent. Ainsi qu'en est-il de l'art dit brut ? D'après mes recherches j'ai pu déterminer le fait que ce terme nous vient de Jean Dubuffet, qui est semble-il le premier à regrouper en collection ces œuvres dans les années 40'. J'ouvre une petite parenthèse afin de vous familiariser avec M. Dubuffet, peintre, plasticien et sculpteur français qui sera le premier à théoriser l'art brut. Il finira par ouvrir sa collection au public à Lausanne (Suisse).

 

Bien que souvent défini comme l'art des marginaux (anarchistes notamment) et des fous - puisque après tout, qu'y connaissent-ils eux à l'art - l'art brut n'est pas ce que l'on peut croire. L'appellation recouvrirait les œuvres qui ont été créées sans vocation à être artistiques. En effet, l'art brut est à l'origine l'art de ceux qui ne prétendent pas ou n'ont pas conscience de la qualité artistique de ce qu'ils produisent. En effet ces artistes apprennent généralement par eux-même, sans toutefois avoir pour objectif d'être reconnus pour ce qu'ils créent. On peut également ajouter à la définition de l'art brut l'idée de créer de nouvelles techniques, d'innover et cela sans en avoir la prétention. C'est toute une manière de penser et de conceptualiser l'Art qui s'en retrouve bouleversée.

"Montreuse de tableau dans la bannière de Montreux" par Aloïse, 1941. Crayon de couleur et mine de plomb sur papier.

"Montreuse de tableau dans la bannière de Montreux" par Aloïse, 1941. Crayon de couleur et mine de plomb sur papier.

Retours sur Enferme-moi si tu peux (Attention, spoilers éventuels si je puis dire) :

L’œuvre de Terkel Risbjerk et Anne-Caroline Pandolfo narre rapidement l'histoire de plusieurs artistes qui ignoraient ou refusaient cette appellation, et pourtant : leurs créations sont maintenant reconnues comme étant artistiques. C'est ainsi que nous (re)découvrons Augustin Lesage, Madge Gill, le Facteur Cheval, Aloïse Corbaz, Marjan Gruzewski et Judith Scott.

 

A travers ces extraits de vie, l'on découvre également diverses époques et ce voyage artistique nous embarque pour une visite de temps plus ou moins lointains. Nous pourront ainsi croiser et comparer des modes de vie et des pratiques qui sont éloignées mais qui pourtant se rejoignent, tel que cela est mis en scène par Terkel Risbjerk lors de l'arrivée progressive des protagonistes qui peu à peu se réunissent et échangent comme si rien ne les séparait. Cette réunion progressive des artistes est un gros point fort à mes yeux, bien qu'il faille garder à l'esprit que ce rassemblement et les dialogues qui en ressortent sont purement fictifs, et d'ailleurs totalement anachroniques.

 

On retrouve à travers les témoignages dessinés de ces personnages l'idée qu'ils n'ont jamais prétendu à devenir artistes. Cela leur est venu, certains parlant de voix leur dictant ce qu'ils devaient faire, disant que leur main créait elle-même ou encore - je pense ici à Aloïse Corbaz dite Aloïse - créant simplement par ce qui semblait être une nécessité.

 

Le style graphique est plaisant, et même si le charadesign n'est pas une pure copie des portraits des protagonistes, les personnages sont facilement identifiables. D'ailleurs le choix de mettre des photographies des artistes dont l'histoire est narrée créé un hommage supplémentaire intéressant.

 

Si je devais trouver ne serait-ce qu'un point légèrement négatif à cette BD, il s'agirait de la rapidité avec laquelle l'histoire de chaque personnage est présentée. Cependant, j'ai peine à classer ce fait dans le négatif car c'est selon moi une manière de nous introduire à tous ces artistes et de nous pousser à aller faire quelques recherches si nous souhaitons approfondir le sujet.

 

Si l'intérêt porté à l'art brut est désormais commun, cela n'était pas le cas lors des débuts comme on peut s'y attendre. En effet, le genre est surprenant, et j'imagine peut mettre mal à l'aise un public ayant connaissance de l'histoire de ces artistes trop longtemps restés anonymes.

Commenter cet article